Le Cas Du Docteur P, L’homme Qui A Pris Sa Femme Pour Un Chapeau

Le cas du docteur P est entré dans l’histoire comme l’un des plus étranges et des plus curieux des neurosciences. C’est un exemple parfait des voies uniques que peut prendre le cerveau lorsque, en tant que merveilleuse machine biologique qu’il est, il cesse de fonctionner comme il se doit.
Parfois, il nous semble que des actes tels que regarder ce qui nous entoure et reconnaître qu’une table est une table, ou qu’une porte est une porte, sont des processus naturels et simples. Nous ne réalisons pas qu’un réseau complexe d’associations est impliqué, impliquant des fonctions cérébrales très sophistiquées. Le cas du docteur P nous le rappelle.
Techniquement, le cas du Dr P concerne un problème de perception appelé « agnosie visuelle ». Elle consiste précisément dans la difficulté à identifier correctement les objets ou stimuli visuels que le monde nous offre.
Nous avons découvert cette maladie grâce au célèbre neurologue londonien Oliver Sacks. Il a publié un livre qui relatait cette situation, ce livre était intitulé : L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau .

Le cas du docteur P.
Oliver Sacks nous apprend que le cas du docteur P fait référence à l’un des patients qui l’ont consulté. C’était un musicien talentueux qui avait acquis une renommée importante en tant que chanteur. Suite au succès, il avait pris sa retraite du show business et se consacrait à l’enseignement dans une école de musique. C’est au cours de ce travail qu’il a commencé à enregistrer des situations étranges.
Tout a commencé quand il a remarqué que parfois des étudiants se présentaient à lui, mais il ne les reconnaissait pas. C’était comme s’ils n’étaient pas là. Cependant, quand ils ont parlé, il a détecté leur présence et a su de qui il s’agissait. Autrement dit, il reconnaissait les élèves à leur voix et non à leur présence.
Plus tard, la situation est devenue un peu plus critique. Le docteur P non seulement n’a pas reconnu les visages de ses élèves, mais a également commencé à voir des visages là où il n’y en avait pas. Par exemple, il a fini par saluer un parcomètre ou tapoter des réservoirs d’incendie. Devenait-il fou ?
Une découverte fortuite
Le docteur P avait toujours été une personne joyeuse et plaisante. Alors les autres ne pensaient pas qu’il y avait quoi que ce soit d’anormal dans leur confusion. Ils les prenaient pour des plaisanteries découlant de leur sens de l’humour particulier.
Cependant, l’homme lui-même n’a rien trouvé d’anormal ou d’inquiétant dans ses difficultés à percevoir la réalité. Il s’en est rendu compte tout à fait par hasard.
Cela s’est produit environ trois ans après qu’il eut manifesté les premiers symptômes d’échecs dans sa perception. L’homme est tombé malade et a reçu un diagnostic de diabète. On lui a recommandé de consulter un ophtalmologiste, car le diabète pouvait causer des problèmes de vision et il devait garder son état oculaire sous contrôle. Le spécialiste a fait plusieurs examens approfondis.
À la fin de celles-ci, il a précisé qu’il n’avait aucun problème visuel. Au lieu de cela, il avait pu détecter qu’il avait des difficultés dans les zones visuelles du cerveau. Il a alors dû consulter un neurologue. C’est ainsi que le Dr P est venu au bureau d’Oliver Sacks. Il n’a pas pu détecter ce qui lui arrivait, mais il a remarqué qu’il y avait “quelque chose d’étrange” dans ce gentil personnage.

J’ai confondu la femme au chapeau
Sacks lui a demandé de regarder la couverture d’un magazine. C’était une dune du désert. Le docteur P prétendit voir une rivière, des gens s’amusant sous des parasols et une autre série d’objets qui n’étaient pas là. En disant au revoir, il a touché sa femme comme si elle était un chapeau et a voulu le “mettre”. Elle souriait à peine. J’étais habitué à ces mésaventures.
Le neurologue s’est beaucoup intéressé au cas du Dr P et a décidé de le suivre de près. Il lui a rendu visite à son domicile. Il lui montra un gant et lui demanda ce que c’était. Il a noté que l’homme pouvait décrire le gant en entier, mais ne pouvait pas dire de quoi il s’agissait. Sa femme lui a dit que pour s’habiller, manger et accomplir toutes sortes d’activités quotidiennes, le docteur P devait chanter. S’il ne le faisait pas, il se figeait et ne savait pas quoi faire.
Sacks a conclu que le docteur P avait une incapacité à reconnaître les visages, ce qu’on appelle la prosopagnosie. Elle ne pouvait pas non plus reconnaître ses propres limites, connues sous le nom d’anosognosie, et se dirigeait manifestement vers l’agnosie visuelle.
Au fur et à mesure que son problème progressait, il avait de grandes difficultés à associer ce qu’il voyait avec les concepts qui étaient dans son esprit et avec sa propre capacité à les percevoir. Il ne s’en est jamais remis, mais son existence était calme et il chantait toujours jusqu’à sa mort.